Colombie : un juge utilise ChatGPT pour statuer et crée la polémique
6 février 2023 à 10h52 par Iris Mazzacurati
Alors qu’il devait statuer sur une affaire concernant un enfant autiste, un juge colombien a annoncé avoir eu recours au chatbot d'intelligence artificielle ChatGPT...
Le juge Juan Manuel Padilla a statué sur la demande d'une mère qui souhaitait que son fils autiste soit exempté du paiement des rendez-vous médicaux, des traitements et du transport vers des centres hospitaliers, la famille ne disposant pas des ressources financières nécessaires pour les payer.
Padilla a tranché en faveur de l'enfant et indiqué dans son jugement avoir interrogé le chatbot ChatGPT.
Pour rendre sa décision du 30 janvier, le juge a demandé au logiciel, selon la transcription de sa décision : "Le mineur autiste est-il dispensé de payer des frais de modération pour ses thérapies ?",
Et l'application aurait répondu : "Oui, c'est exact. Selon la loi en vigueur en Colombie, les mineurs ayant reçu un diagnostic d'autisme sont exemptés du paiement de frais de modération pour leurs thérapies".
"Les juges ne sont pas des imbéciles, ce n'est pas parce que nous posons des questions à l'application que nous cessons d'être des juges, des êtres pensants", a déclaré M. Padilla sur une radio locale.
Le travail d’une "secrétaire"
Selon lui, ChatGPT fait aujourd'hui ce qui était auparavant assuré par "une secrétaire", "de manière organisée, simple et structurée", ce qui "pourrait améliorer les temps de réponse dans le secteur judiciaire".
Ces déclarations ont suscité un vif débat.
Le professeur Juan David Gutiérrez, de l'Université Rosario, a notamment expliqué avoir reçu des réponses différentes après avoir posé les mêmes questions.
"Comme pour d'autres IA dans d'autres domaines, sous le prétexte d'une efficacité supposée, les droits fondamentaux sont mis en danger", a-t-il mis en garde.
L'intelligence artificielle ChatGPT fait sensation dans le monde depuis novembre. Créé par la société californienne OpenAI, le robot conversationnel ChatGPT fonctionne sur la base d'algorithmes et d'immenses bases de données.
Elle produit des textes sur simple requête, pouvant servir notamment à des avocats, des ingénieurs ou encore des journalistes, avec des risques de manipulation ou de désinformation.
"Le but n'est pas de remplacer les juges"
"Cela ouvre des perspectives immenses, aujourd'hui ça peut être ChatGPT, mais dans trois mois ça pourrait être n'importe quelle autre alternative pour faciliter la rédaction de textes juridiques sur laquelle le juge peut s'appuyer", a déclaré le juge Juan Manuel Padilla, sur une radio locale.
"Le but n'est cependant pas de remplacer les juges", a-t-il souligné.
"Je soupçonne que beaucoup de mes collègues vont s'y mettre et commencer à élaborer de manière éthique leurs jugements avec l'aide de l'intelligence artificielle", a relevé M. Padilla.
(Avec AFP)