En Italie, le gouvernement étend son programme pour récupérer les enfants de mafieux à la Sicile et à Naples
27 mars 2024 à 18h21 par Rubens Constantino
Carlo Nordio, ministre de la justice italien
Crédit : Fanpage
Au pays de la botte, pour lutter contre les mafias du crime et de la drogue, le gouvernement a décidé de retirer les enfants qui appartiennent aux mafieux afin de briser un cercle vicieux qui pèse sur l’Italie. Le programme est désormais étendu à la Sicile et à Naples.
Ce mardi 26 mars, l’Italie a annoncé que le programme pour protéger les enfants à risque de rejoindre une mafia s’étendra jusqu’à Naples et en Sicile. Le ministre de la Justice évoque « un moment historique dans la lutte contre la mafia ». Amorcé en 2012 par le juge Roberto Di Bella, ce projet intitulé « Liberi di Scegliere » (Libre de choisir) avait pour but de casser une dynamique autour de laquelle les enfants de mafieux finissent dans les mêmes circuits – dont on connaît l’issue fatale – que leurs parents, notamment que leurs pères. Le programme prévoit également la mise en place de parcours de rééducation, de soutien et de réinsertion sociale pour les mineurs ou jeunes adultes issus ou appartenant à des milieux mafieux. Quelques années après le lancement du protocole, le juge Roberto Di Bella s’en était félicité : « Les enfants retournent sur les bancs de l’école, prennent part à des activités sociales utiles et révèlent des talents et un potentiel qu’ils ne pouvaient exprimer dans leur milieu d’origine ». L’idée lui était venue alors que les condamnés qu’il recevait étaient souvent les fils de mafieux qu’il avait déjà lui-même incarcérés par le passé.
Pourquoi cette extension ?
Si le programme s’applique désormais à la région de Naples et à la Sicile, c’est parce que la mafia y est toujours présente. Deux bastions du crime organisé sous la croupe de la Cosa Nostra pour la Sicile et la Camorra dans la Campanie, région dont Naples est la capitale. À cet effet, Chiara Colosimo, présidente de la commission antimafia au Parlement rappelle qu'« à huit ans, on apprend aux enfants à tirer. À huit ans, ils vendent du crack » ; des propos choquants mais révélateurs d’une situation qui sévit depuis plusieurs décennies en Italie. Roberto Di Bella raconte aussi les scènes auxquelles il a assisté, d’enfants contraints d’assassiner leur mère pour défendre l’honneur de la famille. L’extension était donc plus que nécessaire pour tenter d’assurer un cadre vie viable aux enfants qui sont enlevés de la famille des mafieux, pour être placés dans des lieux gardés secrets à travers la péninsule.
Une initiative appréciée
Si le juge à l’initiative du programme, Robert Di Bella, a vu des horreurs, il déclare aussi s’être occupé d’enfants « qui ont encore de la lumière dans les yeux, qui espèrent une vie différente ». Et cette lueur d’espoir, certains mafieux derrière les barreaux semblent l’avoir saisie. « D’importants boss mafieux sont également devenus des collaborateurs de l’État pour protéger leurs enfants, y compris l’un d’entre eux qui a déclaré le faire pour ses petits-enfants » confie Roberto Di Bella.Les autorités et certains membres de mafias travaillent pour changer les choses mais c’est également le cas de nombreuses femmes, souvent des mamans, qui jouent un rôle essentiel dans cette lutte. La ministre de la Famille Eugenia Roccella assure que « le rôle des femmes est de briser la courroie de transmission culturelle [...] par la désobéissance ». Et à ceux qui ont trop souvent tendance à les considérer comme celles qui tirent dans l’ombre, les ficelles d’un trafic sanglant, elle répond : « C’est de la fiction. Il est impossible qu’il y ait une forme d’émancipation des femmes dans cette culture, qui en réalité les viole et les détruit ».